- Par Samir Slama
Mustapha Kessous, le journaliste réalisateur du documentaire «Algérie mon amour» a la gueule de l’emploi. Un fasciés typiquement maghrébin qui lui a valu tellement de déboires qu’il en a fait un fameux article sur le prestigieux quotidien parisien «Le Monde». Sous les cieux d’Alger, ce fasciés lui a permis de se fondre allégrement dans la foule et de duper presque tout le monde. A cela il faut ajouter un accoutrement qui n’a rien à voir ni avec la «beure-geoisie» parisienne, ni avec le m’as-tu vu caractéristique de l’émigration provinciale, quand elle rentre au pays.
Mustapha Kessous ne voulait pas attirer l’attention et c’est précisément cela qui mettra la puce à l’oreille de ceux qu’il rencontrera lors de ces voyages en Algérie et notamment à Oran.
Kessous est en Algérie dés mars 2019, moins d’un mois après le début du Hirak alors que beaucoup de médias étrangers, plus particulièrement français sont dans l’expectative et que le pouvoir plus frileux que jamais vis-à-vis de l’opinion internationale restreint drastiquement les visas d’entrée.
Mais Kessous en a t’il -t-il vraiment besoin pour un retour au bled ? Il reviendra pour un second séjour en juin de la même année et enfin en janvier 2020, ou il passera par Oran. C’est pour le moins étrange qu’aucun de ces séjours n’a fait l’objet d’un quelconque reportage dans la presse papier fut-il sous pseudonyme.
Assurément Kessous ne veut surtout pas attirer l’attention. Ces séjours professionnels répétés n’attirent pas l’attention des services de sécurité même pas pour des contrôles de routine alors que le journaliste se ballade d’Est en Ouest et pour ainsi dire caméra au poing.
Kessous assure à ces interlocuteurs, avoir toutes les autorisations requises. En réalité cela laissera dubitatif de nombreux personnes qu’il avait sollicitée et qui ont simplement et poliment refusés d’être interviewés. «Il n’y avait pas un seul policier dans les parages et cela ne leur ressemble pas lorsqu’il s’agit d’étrangers d’autant plus qu’il s’agit d’un journaliste.» Nous dira l’un d’eux.
Kessous était accompagné d’un technicien recruté localement. Il avait pour seule mission de filmer presque tout ce qui bouge. Grassement voir trop grassement rétribué, le technicien ne s’interroge pas trop sur le devenir du contenu des bobines qu’il remplissait pour le journaliste. Malgré la situation très tendue, pour cause de Hirak, Kessous n’a pas jugé utile de s’encombrer de l’habituel fixeur qui pouvait le cas échéant discuter, graisser la patte ou donner l’alerte.
Les interlocuteurs de Kessous qui aujourd’hui jurent par leurs grands Dieux que leurs propos ont étés détournés, s’étaient bien rendus compte que le journaliste n’était pas…clair.
Il ne lésinait pas à la dépense et préférait que ses interlocuteurs soient plutôt éméchés avant de les interviewés. Selon des témoins. Kessous ira jusqu’à louer un appartement pour organiser des beuveries pour de grands adolescents avant de les interviewés cela même que l’on voit, Oh grand sacrilège, couper leur pastis avec de la «gazzouz citron».
L’autre technique que le journaliste utilisera pour appâter les jeunes mais aussi et certainement pour ne pas attirer l’attention concerne le change, il chargera donc ceux-là même qu’il interviewe d’aller changer ses devises en monnaie locale.
Le sujet abordé par le journaliste n’est pas nouveau c’est un sujet qui n’intéresse plus vraiment les Algériens d’une manière générale et les jeunes en particulier. C’est tout juste s’il permet à quelques chroniqueurs de mieux se vendre, en octobre dernier alors que l’Algérie plurielle et démocratique défile bras dessus bras dessous dans les rues. Un célèbre chroniqueur écrivait dans un non moins célèbre hebdomadaire « …Entre conservatisme, nationalisme et guerre mémorielle, le pays ne sait plus s’il faut boire, se cacher pour boire ou pourchasser les buveurs…». En vérité l’Algérie qui sourit s’en fout royalement.
Faut-il donc rappeler que durant la décennie noire, l’homosexualité s’affichait publiquement sur la Riviera oranaise. Dans certain milieux, elle était même promue comme acte de résistance face à l’intolérance intégriste. Il est pour le moins étrange que Kessous qui n’est ni un journaliste spécialisé dans les questions «charnelles» ni dans l’Algérie, n’a pas pris la peine d’aller se renseigner voir d’interviewer quelques spécialistes, ni même pris la peine de lire par exemple «L’amour interdits Sexe et Tabous au Maghreb» de Michelle Gagnet un livre-enquête publié récemment aux éditions Archipel. Il est bien dommage qu’un sujet aussi sérieux ait été traité avec autant de désinvolture tant par le journaliste que la chaîne publique FR5 Leila Slimani autre spécialiste qui a préfacé le livre de Michelle Gagnet écrivait avec raison « …on mesure à quel point le contrôle des corps participe de ce que les Maghrébins appellent hogra– la «malvie», l’indignité, contre laquelle ils se sont soulevés avec courage.»
Enfin il y a lieu de dire que la controverse parfois violente sur les réseaux sociaux semble disproportionnée par rapport à ce qui s’est produit finalement, au pire une erreur de jeunesse. Les réactions sur les réseaux qui instituent la méfiance ne servent pas le Hirak bien au contraire. Faut-il désormais se méfier de tous les journalistes ? Faut-il à travers cette méfiance réduire au silence les jeunes qui devront montrer patte blanche avant d’exprimer leurs avis ?
Il est peut être plus important et plus urgent aujourd’hui que cette jeunesse s’exprime, informe publie librement ce qu’elle pense pour consolider le plus important acquis du Hirak, «LE DROIT DE DIRE.»
C’est même le devoir de l’Etat d’ouvrir les tribunes pour que cette jeunesse puisse s’exprimer. Il est donc le 1er responsable de cet incident. Lâcher sa police pour trouver à travers ses jeunes des boucs émissaires est trop facile voir indigne d’un Etat qui se proclame de…Droit.